Literatūra ISSN 0258-0802 eISSN 1648-1143

2022, Priedas, pp. 8–24 DOI: https://doi.org/10.15388/Litera.2022.64.4.1

Straipsniai / Articles

André Malraux et Romain Gary, romanciers de l’aventure et de la métamorphose

Denis Labouret
Centre d’étude de la langue et des littératures françaises (UMR 8599)
Sorbonne Université
Center for the study of French Language and Literature (UMR 8599)
Sorbonne University
denis.labouret@sorbonne-universite.fr

Résumé. Parmi les romanciers français du xxe siècle, André Malraux et Romain Gary se distinguent par leur pratique et leur pensée de l’aventure, en un temps où l’aventure individuelle semble pourtant condamnée par l’histoire collective. Chacun d’eux, en effet, a été dans sa vie un “aventurier actif” et a construit une œuvre où l’aventure occupe une place majeure. Chez l’un et l’autre, l’aventurier est en quête de métamorphoses parce qu’il souffre d’être enfermé dans la prison de l’identité. Mais alors que Malraux s’éloigne du genre romanesque en se tournant surtout, à partir de 1945, vers une réflexion sur l’art qui donne à l’aventure un sens esthétique, Gary ne cesse de conférer à l’aventure une signification existentielle et la situe même au cœur du processus de création romanesque, jusqu’à cette aventure ultime qui s’accomplira, avec l’invention d’Émile Ajar, dans la métamorphose de l’auteur.
Mots-clés : Aventure, histoire, identité, métamorphose, roman.

André Malraux and Romain Gary as the Writers of Adventure and Metamorphosis

Summary. Among the French novelists of the 20th century, André Malraux and Romain Gary stand out for their practice and thought of adventure, at a time when individual adventure seems to be condemned by collective history. On this point, their works show clear convergences. Each of them, in fact, testified in his work to a life of “active adventurer”. Each of them built a work in which adventure, as a spring of action or as a theme of reflection, occupies a major place. La Voie royale and Les Conquérants, Les Racines du ciel and La Promesse de l’aube bear the mark of these convergences between two authors who are known to have frequented and appreciated each other. Moreover, according to both of them, the adventurer is in search of metamorphosis because he suffers from being locked up in the prison of identity. He seeks in adventure an experience of otherness which alone allows him to exist fully, by changing his “skin”. In this respect, much of Gary’s work seems to illustrate Malraux’s definition of the adventurer in the preface to Le Démon de l’absolu. But while Malraux moves away from the novelistic genre and turns, from 1945 onwards, to a reflection on art that gives adventure and metamorphosis an essentially aesthetic meaning, Gary does not cease to confer on adventure a profoundly existential meaning and goes so far as to situate it at the very heart of the creative process of the novel. This vision of adventure, which he develops in particular in his essay Pour Sganarelle, culminates in this ultimate adventure which will be accomplished, with the invention of Émile Ajar, in a totally new metamorphosis of the author. This discrepancy may provide an element of explanation for the differences that can be observed today between the reception of Malraux, who seems to be on the decline, and that of Gary, which is much more flourishing.
Keywords: Adventure, history, identity, metamorphosis, novel.

André Malraux ir Romainas Gary – nuotykio ir metamorfozės rašytojai

Anotacija. XX a., kai individualus nuotykis, regis, jau buvo tapęs kolektyvinės istorijos dalimi, André Malraux ir Romainas Gary iš kitų rašytojų išsiskiria nuotykio refleksija ir praktika. Tiek vienas, tiek kitas buvo aktyvūs nuotykių ieškotojai, taigi ir jų kūryboje nuotykiai užima itin reikšmingą vietą. Vis dėlto Malraux nuo 1945 m. atsisako rašyti romanus ir pereina prie svarstymų apie meną, suteikiančių nuotykiui estetinę reikšmę. Gary ir toliau nuotykiui priskiria egzistencinę prasmę ir paverčia jį savo kūrybinio proceso šerdimi. Sukūrus Emile’į Ajarą, paskutinis Gary nuotykis įgyja aukščiausią autoriaus metamorfozės dimensiją.
Reikšminiai žodžiai: nuotykis, istorija, tapatybė, metamorfozė, romanas.

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Received: 27/01/2022. Accepted: 13/06/2022.
Copyright © Denis Labouret, 2022. Published by Vilnius University Press.
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Sans oublier Jean-Claude Larrat

Saluons d’abord cette belle initiative qui consiste à associer André Malraux et Romain Gary pour interroger ce qu’ils disent à notre temps, depuis le leur. Bien que ces deux écrivains français du xxe siècle aient été liés par une vraie parenté littéraire et intellectuelle, ils ne font pas si souvent l’objet de travaux communs ou d’études comparatives. Or, quand on cherche à saisir ce qui les rapproche, on ne peut que rencontrer les thèmes de l’aventure et de la métamorphose, en rapport avec leur représentation sous une forme romanesque. Tel sera l’objet de la présente étude. Sur les relations entre aventure et métamorphose chez Malraux, il est impossible d’ignorer les travaux de Jean-Claude Larrat, dont le livre Sans oublier Malraux inspire pour une part le choix et l’orientation de notre problématique, et qui nous a quittés en 2020. Qu’il nous soit donc permis de lui rendre ici hommage.

L’aventure, donc. Pour Malraux comme pour Gary, cette notion semble s’imposer. Et pourtant, elle est souvent dédaignée par la critique. On l’associe au roman d’aventures, genre populaire représentatif d’une littérature de masse, aux antipodes d’une littérature de production restreinte qui serait seule digne d’intérêt au prétexte qu’elle se définirait, elle, par l’écriture et non par l’aventure. On sait à quel point le structuralisme et le Nouveau Roman, dans les années 1955-1980, autrement dit à l’époque où Gary écrit l’essentiel de son œuvre, ont entretenu ce mépris pour l’écriture de l’aventure, au profit de l’aventure de l’écriture. Le mot célèbre de Jean Ricardou qui est à l’origine de cette opposition a fait des ravages, et durablement (Ricardou 1967, 111).

Or l’aventure dans le roman ne se réduit pas au roman d’aventures. L’histoire de l’idée d’aventure au xxe siècle est plus complexe et mérite qu’on s’y arrête. Oui, sans doute, Malraux et Gary ont écrit certains romans qui rappellent la tradition générique du roman d’aventures dans ses formes les plus élémentaires. Oui, tous deux ont fait dans leur vie l’expérience de l’aventure au sens le plus courant : ils ont connu l’action et ses risques, les voyages et leurs surprises, les péripéties d’existences mouvementées. Mais ils témoignent surtout dans leur vie et dans leur œuvre d’une interrogation sur le sens profond de l’aventure, sur sa dimension anthropologique, sur les modalités possibles de l’aventure dans le temps qui est le leur. Le roman est le miroir réfléchissant qu’ils promènent — pourrait-on dire en pastichant Stendhal — le long de l’aventure humaine dont ils ont été les témoins et les acteurs.

Pour essayer de cerner cette dimension capitale de leurs œuvres, il faudra se demander dans un premier temps en quel sens ces deux écrivains furent des aventuriers. Nous chercherons ensuite à situer l’idée d’aventure dans l’histoire, pour mieux comprendre ses enjeux au temps de Malraux et de Gary. Il sera alors possible de réfléchir aux liens que tous deux établissent entre aventure et métamorphose, avant d’en venir, dans une quatrième et dernière étape, aux conséquences qui en résultent pour leur pratique du récit et leur conception du genre romanesque.

1. Deux écrivains aventuriers ?

Malraux et Gary ont tous deux mené une vie riche en aventures au sens le plus commun du mot, c’est un fait. Le romancier Pierre Mac Orlan, dans son Petit Manuel du parfait Aventurier publié en 1920, distinguait non sans humour “l’aventurier actif” et “l’aventurier passif”. Alors que le premier vit l’aventure, le second ne la connaît que par procuration : l’aventurier passif vit “en parasite sur les exploits de l’aventurier actif” (Mac Orlan 1951, 197). Malraux, au temps de ses débuts littéraires, a certainement apprécié chez Mac Orlan ce mariage de l’aventure et du farfelu, comme l’écrit Jean-Claude Larrat (Larrat 2001, 46). Il s’est fait très vite connaître quant à lui comme un “aventurier actif” à la suite de ses aventures indochinoises, de 1923 à 1925. Et si l’on peut considérer que La Voie royale, en tant que roman d’aventures, est directement issu de ces aventures vécues en Asie, l’auteur peut à bon droit se présenter comme un “aventurier actif” qui sait de quoi il parle.

Il reprend d’ailleurs l’opposition établie par Mac Orlan, en des termes très proches, quand il écrit vers 1925 : “Il y a deux sortes de romanciers d’aventures : ceux qui ont des aventures et ceux qui n’en ont pas” (Malraux TO, 917). Il s’agit d’une sorte de brouillon de lettre à André Gide qui fait partie des fragments préparatoires de La Tentation de l’Occident. Malraux poursuit : “Les premiers sont fort rares ; et portés à écrire leurs mémoires plutôt que des romans ; les seconds le sont moins. […] M. A<ndré> G<ide>, je vous respecte et je vous admire ; mais vous êtes, dans l’ordre de l’esprit, un romancier d’aventures de la seconde catégorie” (ibid.). Gide a-t-il eu connaissance de ce reproche ? Il a en tous cas conscience d’un certain handicap en la matière, handicap qu’il essaiera de surmonter en partant peu de temps après en Afrique centrale : ce seront Voyage au Congo et Le Retour du Tchad… Autrement dit, il en rapportera des “mémoires” plutôt que des “romans”, ce qui semble donner raison à Malraux — et il faudra revenir sur cette question du genre. Dans Les Faux-Monnayeurs, en 1925, Gide faisait dire au personnage de Bernard qui se lance dans l’inconnu : “Quel beau mot : l’aventure ! Ce qui doit advenir. Tout le surprenant qui m’attend” (Gide 1958, 975). Mais ce « beau mot » risque de sonner creux, pour Malraux, si son auteur n’est pas quelqu’un qui “a des aventures” pour de bon…

On a donc légitimement pu voir en Malraux une figure d’aventurier dès les années vingt. En 1945 encore, Gide écrira à propos de Malraux qu’il a été “surtout un aventurier”, dans son hommage intitulé André Malraux. L’Aventure humaine (Gide 1999, 938). Mais l’aventure ne se résume pas à l’action. Malraux n’ignore pas l’intérêt de son temps pour une redéfinition esthétique et philosophique de l’aventure. Dans une série d’articles célèbres de la Nouvelle Revue française, Jacques Rivière avait appelé de ses vœux, en 1913, un “roman d’aventure” rompant avec le repli symboliste sur l’intériorité du Moi et l’abstraction des formes, pour ouvrir sur “la nouveauté de vivre” (Rivière 2000, 26) et accueillir “ce qui advient” (ibid., 66), l’incertitude vivifiante de l’avenir. C’était renouer avec le sens étymologique du mot “aventure”, originellement lié au temps futur (adventurum en latin).

Certes, la Première Guerre mondiale a opposé un démenti brutal à cet élan d’optimisme. Désormais, comme l’écrit Mac Orlan, “[l]es aventures modernes sont chimiques, explosives et stupidement collectives” (Mac Orlan 1951, 226), et Malraux s’en souviendra dans Les Noyers de l’Altenburg. Quelle place reste-t-il alors à l’aventure individuelle, à cette poésie des possibles célébrée par Rivière ? C’est pourtant au lendemain de ce premier conflit mondial, dans l’entre-deux-guerres, que va régner dans les mentalités occidentales cette “gloire de l’aventure” qu’a étudiée de près l’historien Sylvain Venayre. Malraux est un des grands représentants de cette “mystique moderne” de l’aventure qui triomphe paradoxalement quand les conditions historiques et géographiques de l’aventure tendent à disparaître (Venayre 2002, 17). Dans les années vingt, Malraux part en quête d’aventure loin de “l’Europe aux anciens parapets”, mais c’est moins par goût de l’exotisme ou simple recherche du profit que pour justifier son existence et affirmer sa liberté. On retrouve dans les réflexions de Claude Vannec, au début de La Voie royale, cette défense d’une conception exigeante de “l’aventure” contre d’autres modèles, ceux des valeurs de “considération”, ceux des clichés romantiques, ceux qui réduisent l’aventure à “la nourriture des rêves” (Malraux VR, 94). De son aventure extrême-orientale, Malraux ne ramène pas d’abord un “roman d’aventures” au charme dépaysant, comme le lui avait demandé l’éditeur Bernard Grasset (Larrat 2001, 215), mais un dialogue philosophique sur le fossé qui sépare les civilisations : c’est La Tentation de l’Occident, en 1926.

Concernant Gary, l’aventure est d’autant plus une expérience vécue que les conditions de sa naissance et de son enfance l’ont très tôt confronté aux incertitudes et aux promesses de “ce qui advient”, comme le montre La Promesse de l’aube : absence du père, auquel se substitue l’image d’un séduisant “aventurier”, mot péjoratif dans la bouche de l’usurier niçois qui traite Romain de “rejeton d’une saltimbanque et d’un aventurier”, ce qui n’est pas pour lui déplaire (Gary PA, 642) ; déplacements imprévisibles de l’enfant balloté dans une Pologne, une Lituanie et une Russie en guerre, aux frontières mouvantes ; projets d’avenir lumineux entretenus par les récit maternels : “Et toutes ces belles aventures qui vous attendent […]…”, dit à Romain la jeune Mariette, impressionnée par l’image prometteuse que Nina donne de son fils (ibid., 634)… Une vie d’aventures lui a donc été donnée avant même qu’il ne soit en mesure de prendre en main son destin. Et en choisissant les aléas et les risques de la France Libre en juin 1940, il prend une décision qui consiste, comme pour Malraux avant lui mais avec plus de désintéressement encore, à justifier son existence et à affirmer sa liberté — contre l’ordre du réel tel qu’il est.

Dans L’Aventure, l’Ennui, le Sérieux (1963), le philosophe Vladimir Jankélévitch proposait de distinguer “l’aventurier”, pour qui l’aventure n’est qu’un moyen, de “l’aventureux”, pour qui l’aventure est une fin en soi, un véritable “style de vie” (Jankélévitch 1998, 827-828). De ce point de vue, Gary va plus loin que Malraux dans le choix d’une vie aventureuse. Certes, en choisissant de résister au moment où la France s’effondre, il s’engage au service d’une cause : cette aventure n’est pas gratuite. Mais, ce faisant, il épouse l’aventure collective de la France Libre, qui échappe elle-même aux normes prévisibles d’une guerre entre armées régulières. Cette cause qu’il sert est elle-même aventureuse. Et ce n’est pas un hasard s’il rejoint Malraux dans cette fraternité héroïque qui se forme dans le sillage d’un de Gaulle que beaucoup perçoivent alors comme un aventurier. Pour Gary, les Français qui acceptent la défaite et refusent de suivre de Gaulle en 1940 le font au nom de la prudence et de la raison, par “refus de l’aventure” (Gary PA, 811). On croyait que la Grande Guerre avait supprimé pour toujours la part de l’aventure dans les conflits entre nations. L’aventure de la France Libre semble montrer le contraire. Si l’on en croit La Promesse de l’aube, du reste, le goût de l’aventure comme telle a précédé pour Gary le choix de l’insoumission en 1940. On le voit dans le chapitre consacré à M. Zaremba, le prétendant de Nina :

Déjà aventureux, casse-cou comme tous ceux dont le goût de l’action et de l’exploit ne trouve pas de prise, l’idée de pouvoir “caser” ma mère et de la mettre ainsi à l’abri des soucis matériels se doublait dans mon esprit d’un autre espoir : celui de pouvoir me jeter enfin dans une vie d’aventures, sans me reprocher d’avoir laissé sans soutien celle qui m’avait tout donné (Gary PA, 738).

Le jeune Romain Kacew n’a donc pas été épargné par la “mystique de l’aventure” qui connaît son apogée en France dans l’entre-deux-guerres. Ses premiers essais littéraires le confirment. C’est dans l’hebdomadaire Gringoire de Joseph Kessel qu’il publie en 1935 ses premières nouvelles, L’Orage, au climat tropical bien conradien, et Une petite femme, situé dans une Indochine dont les Moïs viennent tout droit de La Voie royale, comme on l’a déjà remarqué (Hangouët 2007, 33). La quasi-totalité de l’œuvre de Gary est toutefois écrite et publiée après la Seconde Guerre mondiale : que reste-t-il alors comme espace pour l’aventure quand les États totalitaires et la civilisation industrielle ne laissent plus guère de place à l’accomplissement de l’individu dans le risque de la nouveauté et la découverte de l’inconnu ? L’histoire paraît congédier définitivement l’aventure. Pour Sylvain Venayre, c’en est fini alors, en effet, de la mystique de l’aventure… Mais la notion d’aventure peut faire de la résistance, pour peu que ses mutations sémantiques prennent en compte les changements de l’histoire.

2. Le temps de l’aventure

Le romancier Julien Gracq pose la question des mutations historiques de l’aventure peu après la guerre, dans son essai sur André Breton publié en 1949. Pour lui, la “notion de l’aventure” a subi “à l’époque moderne” un “changement de signe” ; notre monde s’est “coagulé”, le champ des possibles s’est refermé : “Avec l’achèvement de l’exploration de la planète […] s’est terminée l’ère de l’aventure diffuse et vaguante : celle des romans de la Table ronde comme celle de Robinson Crusoé” (Gracq 1989, 455). Mais “le sentiment de l’aventure” renaît à ses yeux sous d’autres formes : dans l’espace clos des romans policiers, dans le sens surréaliste du merveilleux, dans la capacité de l’imagination à intérioriser l’aventure. Gracq repère ainsi chez André Breton “la consignation d’une grande aventure métaphysique” (ibid., 457). L’aventure ne se déploie plus dans l’espace mais dans l’esprit, maintenant que “le temps du monde fini”, comme disait Paul Valéry (Valéry 1945, 19), impose ses limites matérielles au désir des confins. C’est cet esprit de l’aventure qui est omniprésent dans Le Rivage de Syrtes, le grand roman de Gracq publié en 1951.

On peut suivre cette mutation dans l’œuvre de Gary, sous une forme accélérée. Dans Les Racines du ciel, l’auteur cherche encore le lieu romanesque d’une “marge” de liberté possible, en ces confins du Tchad où l’aventure peut advenir parce que la colonisation occidentale n’a pas atteint les derniers recoins de la brousse. Comme si le monde ne s’était pas encore totalement “coagulé”. Autour de 1955, les empires coloniaux sont sur le déclin mais les nouvelles nations africaines ne sont pas encore nées : c’est cet entre-deux indécis qui est propice à l’aventure ; il laisse du jeu à l’action des individus. C’est pourquoi l’Afrique attire tous les aventuriers. Le personnage de Habib en est assez représentatif : il est un “aventurier-né”, dont l’idéal est “d’être à la hauteur de toutes les possibilités merveilleuses de la vie” (Gary RC, 486). Quant au héros, Morel, il est selon le gouverneur “le dernier aventurier blanc de l’Afrique” (ibid., 254).

Une vingtaine d’années plus tard, l’espace des romans de Gary se contracte le plus souvent dans les limites d’une ville, Paris. C’est le cas dans Gros-Câlin (1974), La Vie devant soi (1975), Au-delà de cette limite votre ticket n’est plus valable (1975), Clair de femme (1977), L’Angoisse du roi Salomon (1979)… L’aventure n’est plus à rechercher dans les terres lointaines — mais n’en concluons pas trop vite qu’elle a disparu. Elle peut être au coin de la rue, par exemple quand y apparaît un python. Elle peut surgir dans un ascenseur, pour peu que l’on donne un nom de lieu exotique à chaque étage, comme le fait le narrateur de Gros-Câlin : “Bangkok, Ceylan, Singapore, Hong Kong” (Gary GC, 691)… Tout l’Extrême-Orient sur deux mètres carrés… Quelle aventure !

Il y a donc une histoire de l’aventure et des aventuriers, que l’on peut construire selon différents critères et selon différents rythmes. Et sans doute les possibilités de l’aventure se prolongent-elles jusqu’à nos jours, sous des formes renouvelées. Mais ce qui paraît révolu, c’est le temps des aventuriers, parce que la figure de l’aventurier a été emportée au xxe siècle par le courant de l’histoire. Le Morel de Gary est vu comme le “dernier” des aventuriers : c’est une espèce en voie de disparition, plus encore que les éléphants.

Cette tension entre l’aventure et l’histoire est au cœur de l’œuvre de Malraux. Dans Les Conquérants, l’auteur confronte les aventuriers aux acteurs de la révolution qui ont conscience d’agir collectivement dans le sens de l’histoire. Le personnage de Garine est exemplaire de la première catégorie, comme le dit Gérard qui le présente ainsi au début du roman :

[…] vous trouverez à Canton deux sortes de gens. Ceux qui sont venus au temps de Sun, en 1921, en 1922, pour courir leur chance ou jouer leur vie, et qu’il faut bien appeler des aventuriers […]. Ce sont des gens […] qui n’ont jamais pu accepter la vie sociale, qui ont beaucoup demandé à l’existence, qui auraient voulu donner une sens à leur vie […]. Et ceux qui sont venus avec Borodine, révolutionnaires professionnels, pour qui la Chine est une matière première. […] Garine représente — et dirige — les premiers, qui sont moins forts mais beaucoup plus intelligents (Malraux CO, 124).

Plus loin, un autre personnage dira à propos de Garine : “Il n’est pas communiste, voilà. […] il n’y a pas de place dans le communisme pour celui qui veut d’abord… être lui-même, enfin, exister séparé des autres” (ibid., 256-257).

“Exister séparé des autres” pour être soi-même, voilà une bonne définition de l’aventurier selon Malraux, définition qui s’applique sans doute au Perken de La Voie royale. Et le lecteur des Conquérants se rend bien compte que la sympathie de l’auteur va à Garine. D’où la querelle qui naît de ce livre : les communistes et leurs sympathisants ont reproché à Malraux de célébrer dans son roman l’anarchiste, Garine, au détriment du marxiste, Borodine. Dans le débat qui en découle, Malraux défend en Garine un personnage nietzschéen qui refuse “l’esclavage du but”, contre la critique communiste qui, par la voix de Trotski, dénonce dans l’idéologie de Garine un dangereux “aventurisme” (Venayre 2002, 269). À terme, Malraux renonce toutefois à défendre la mystique de l’aventure contre l’idéologie révolutionnaire. Comme l’écrit Sylvain Venayre, “La Condition humaine (1933), Le Temps du mépris (1935), L’Espoir (1936) ne célèbrent absolument pas la mystique de l’aventure” (ibid., 270). On y trouve bien des héros tentés par la grandeur de l’acte individuel et la beauté du sacrifice, mais ces romans mettent au premier plan la fraternité dans l’action révolutionnaire, la participation épique aux luttes de l’Histoire. Pour suivre encore l’analyse de Sylvain Venayre, le goût “pour l’aventure elle-même”, caractéristique de Garine, risquerait fort d’entrer en contradiction avec l’action politique dans laquelle s’engage Malraux à partir de 1930 (ibid.).

Dès lors, l’histoire l’emporte sur l’aventure, l’histoire entrave l’aventure. Nul ne peut “exister séparé des autres”. Tel est le processus qui triomphe avec la Seconde Guerre mondiale. On le voit dans les romans de Gary dont l’action se situe en ce temps où le poids de l’histoire est plus accablant que jamais. L’aventure de la France Libre est l’exception. Les personnages d’Éducation européenne et des Cerfs-volants, au début et à la fin de l’œuvre romanesque de Gary, voient leur liberté d’action limitée par les contraintes historiques de la guerre. L’occupation de la Pologne et de la France, la bataille de Stalingrad, le Débarquement ne laissent guère de place à l’aventure individuelle — quels que soient les efforts d’une résistance dont les effets sont limités, quels que soient les rêves d’aventures du jeune Janek, qui a lu comme l’auteur les romans de Karl May… Éducation européenne et Les Cerfs-volants ne sont pas des romans d’aventures mais des romans d’apprentissage, ceux de l’éducation négative de cette Europe qui a laissé déferler la barbarie.

Si Malraux renonce à mettre l’aventure au centre de ses romans après La Voie royale, cela ne l’empêche pas de développer par la suite un intérêt majeur pour de grands personnages d’aventuriers, Mayrena dans Le Règne du malin et Thomas Edward Lawrence dans Le Démon de l’absolu, et de poursuivre dans ces textes qu’il laissera inachevés une réflexion sur le temps de l’aventure qui se prolongera dans les Antimémoires. Dans les pages qu’il consacre aux deux célèbres aventuriers, Malraux exprime sa fascination pour le mythe de l’aventure, un mythe moderne, qui n’a pas toujours existé et qui est peut-être déjà en voie de disparition au xxe siècle, au moment où il écrit.

À quelle époque serait né ce mythe de l’aventure dans la conscience occidentale ? L’aventure suppose que l’étrange ou le merveilleux puissent surgir ici-bas, dans notre monde humain. Or, pendant de siècles, écrit Malraux dans la préface du Démon de l’absolu, “l’événement, même le plus singulier ou le plus prestigieux, par cela seul qu’il était réel fut privé de la force poétique ou romanesque, de la puissance transfiguratrice qui lui donne tant d’action sur nous” (Malraux DA, 823). Des voyageurs comme Marco Polo, des conquérants comme Cortès n’étaient pas des aventuriers, ne pouvaient pas s’éprouver comme tels parce qu’ils ne percevaient pas dans les autres hommes, malgré toutes les différences ethniques et culturelles, une altérité radicale. L’étrangeté, l’altérité, c’était alors l’au-delà, l’Autre Monde, l’Enfer ou le Paradis, le Royaume qui n’est pas de ce monde.

Il faut que se dissipe historiquement l’étrangeté merveilleuse de l’Autre Monde pour que la “puissance transfiguratrice” de l’événement puisse être reconnue dans le monde des hommes. Il faut le déclin ou la fin de l’anthropologie universalisante de l’Europe chrétienne pour que l’aventure soit perçue comme possible ici-bas, pour qu’elle prenne sens. L’autre homme peut dès lors être pour moi d’une étrangeté radicale, et sa rencontre devient une aventure. Malraux ne fixe pas de date précise, mais on comprend que ce tournant s’est accompli de l’Humanisme aux Lumières, sur une longue durée. Il correspond au lent processus historique de laïcisation de la société et d’affirmation de l’individu. Il se confirme avec ces personnages exemplaires de voyageurs ou de conquérants qui, tels Mayrena ou Lawrence précisément, ne cherchent pas la conquête pour elle-même mais expriment d’abord à travers l’épreuve de l’altérité leur rejet du réel tel qu’il est. Dans son refus de l’ordre social, l’aventurier selon Malraux est un disciple de Prométhée (Malraux DA, 840).

Or un destin comme celui du roi des Sedangs Marie Ier, ce David de Mayrena qui a inspiré La Voie royale, ou comme celui de Lawrence d’Arabie, n’est plus envisageable en ce milieu du xxe siècle où Malraux s’intéresse à ces aventuriers… L’explication s’en trouve dans le long épisode de la conversation au Consulat de France de Singapour, dans les Antimémoires, ce grand livre de 1967 qui sera intégré au Miroir des Limbes. Pour le “Clappique” qui s’exprime alors, “[i]l n’y a plus d’aventuriers” (Malraux AN, 281). Le personnage travaille à un projet de film sur Mayrena. Or, au temps des guerres industrielles, force est de constater que l’aventurier n’a plus sa place. Au temps de l’éveil de l’Asie, dont les pays ne sont plus objets de découvertes mais sujets de leur destin de nations indépendantes, “ce n’est plus l’aventure, c’est ce que les minables appellent l’Histoire”. C’est toujours Clappique qui parle : “Des chars, des avions, quoi encore ? Un aventurier, ce n’est pas un général en chef ! Pourquoi pas un ambassadeur ?” (ibid., 282). Un consul de France, à Singapour ou à Los Angeles, n’est certes pas un “aventurier”. Et Malraux, tel qu’il se met en scène dans cet épisode, prend conscience de sa propre évolution :

Ce que je découvre depuis le dîner, c’est que l’aventure, qui m’a jadis tellement intéressé, n’est plus pour moi qu’un appartement abandonné. […] Ce n’est plus Mayrena qui me passionne : c’est Clappique, qui m’amuse.

[…] les hommes qui ont détruit en moi la puissance poétique de l’aventure, si forte dans ma jeunesse, ce sont les hommes de l’Histoire.

[…] pour moi, ces hommes, comme les grands artistes, comme les aventuriers de jadis sur un autre plan, sont des hommes de l’antidestin. » (Malraux AN, 315).

Passé le temps de l’aventure, de Gaulle fait maintenant partie pour Malraux de ces “hommes de l’Histoire”, comme Nehru, comme Mao. “Il n’y a plus d’aventuriers” : étrangement, l’aventure, que l’on pouvait croire essentiellement définie par son rapport au futur, est alors reléguée dans un passé perdu. L’aventure, c’est le futur dans le passé. Un diplomate qui participe à la discussion, au Consulat de Singapour, s’interroge : “Serait-il facile […] de définir ce que nous appelons aventure ? […] Oui. Je suis allé à l’île de la Tortue, où sont enterrés, selon la tradition, les trésors des grands pirates. […] j’ai vu les cavernes des flibustiers” (Malraux AN, 286-287). Tel est le décor de l’aventure passée. Mac Orlan recommandait à l’aventurier passif de “se tourner à certaines heures du jour vers l’Île de la Tortue, comme le croyant se prosterne en direction de La Mecque” (Mac Orlan 1951, 220). Mais, en matière d’aventure, le croyant a cessé de pratiquer depuis longtemps…

Pour Malraux, les aventuriers de jadis étaient de grands artistes qui luttaient à leur façon contre la fatalité du réel. Mais cet heureux temps n’est plus. Peu après la publication des Antimémoires, un autre livre, plus court et plus modeste, exprime la même nostalgie de l’aventure perdue. Il s’agit des Trésors de la mer Rouge, de Romain Gary, publié en 1971. Comme les Antimémoires, ce n’est pas un roman. L’auteur y relate son voyage à Djibouti et au Yémen, sur ces lieux d’élection de l’Aventure majuscule où sont passés avant lui Rimbaud et Lawrence d’Arabie, Henry de Monfreid et Joseph Kessel, sans oublier le Malraux de l’étonnante expédition aérienne vers les ruines de Mareb en 1934… Il y rencontre Dominique Ponchardier, ancien résistant, compagnon de la Libération, auteur de romans policiers (la série des Gorille), alors haut-commissaire français à Djibouti — un “‘aventurier’ au profil de corsaire” (Gary TM, 13). Mais l’homme est sur place pour mettre “un point final à l’ère des empires coloniaux” (ibid., 15). Survivant d’une “aventure colonialiste” qui a rendu son dernier soupir, il témoigne du “rayon vert du grand couchant des empires occidentaux” (ibid., 8). Les personnages romanesques de Gary sont souvent d’anciens aventuriers, d’anciens combattants, les survivants d’une aventure passée qui peinent à trouver leur place dans la société présente, comme le Jacques Rainier des Couleurs du jour ou son homonyme d’Au-delà de cette limite votre ticket n’est plus valable, ou comme le Morel des Racines du ciel, dont l’action précède de peu le “rayon vert” de la décolonisation. Ils portent “le deuil de la France Libre”, cette aventure suprême, pour reprendre le titre d’un ouvrage récent (Roumette 2018).

Quand il quitte enfin Ponchardier dans Les Trésors de la mer Rouge, Gary semble dire adieu à l’aventure : “Je regarde pour la dernière fois cet homme dont la vie d’aventures atteint ici son apogée, le moment où l’aventure devient ce qu’elle peut être de plus difficile : une immense responsabilité” (Gary TM, 62-63). Mais la responsabilité peut-elle encore être aventureuse ? Elle relève plutôt d’une mission historique. Comme Malraux, Gary médite sur ce moment de passage entre d’une part les risques et les chances de l’aventure et d’autre part le temps historique des responsabilités que doivent assumer au premier chef les “hommes de l’Histoire”.

Ce voyage de Gary sur les traces de l’aventure perdue ne serait-il donc qu’un tombeau de l’aventure ? Non car, étrangement, le narrateur lui-même y vit une aventure capitale qui invite à repenser la question. Alors qu’il parcourait seul à moto la route qui va de Sanaa à La Mecque, quelque part entre le Yémen et l’Arabie saoudite, il perd tous ses papiers et doit passer plusieurs jours au bord de la route, parmi les soldats et les bergers, se fondant parmi les habitants. Il prend alors toutes les apparences d’un “vagabond yéménite” (ibid., 102), vivant une expérience qui est le comble de l’aventure selon Malraux, celle d’une métamorphose :

Jamais encore je n’avais éprouvé à ce point le sentiment de n’être personne, c’est-à-dire d’être enfin quelqu’un… L’habitude de n’être que soi-même finit par nous priver totalement du reste du monde, de tous les autres ; “je”, c’est la fin des possibilités… Je me mets à exister enfin hors de moi […]… J’avais enfin réussi ma transhumance. […]

J’étais plus fort que Houdini : enfermé pieds et poings liés, comme nous tous, au fond de moi-même et haïssant les limites ainsi imposées à mon appétit de vie ou plutôt de vies, j’étais parvenu, une chique de haschisch aidant, à m’enfuir de cette colonie pénitentiaire qui condamne à n’être que soi-même (Gary TM, 103).

C’est dire l’importance des relations entre aventure et métamorphose.

3. Aventure et métamorphose

Chez Malraux, la notion de métamorphose ne s’applique pas seulement à cette théorie bien connue de la réception des œuvres d’art dont la signification changerait selon les époques. Elle concerne aussi, comme l’a montré Jean-Claude Larrat, “les aventuriers qui, comme Perken, Mayrena ou Thomas Edward Lawrence, sont animés par le farouche désir de changer de civilisation et d’échapper ainsi à leur destin originel” (Larrat 2016, 15). Partir à l’aventure, c’est pour eux chercher un changement d’identité, adopter une autre culture pour vivre une métamorphose personnelle. L’enjeu est d’échapper à la prison du moi social antérieur pour trouver une liberté nouvelle en marge de la civilisation d’origine. Tel est l’aveu que fait Perken à Claude, dans La Voie royale :

Vous ne soupçonnez pas ce que c’est que d’être prisonnier de sa propre vie […]. Vous ne savez pas ce que c’est que le destin limité, irréfutable, qui tombe sur vous comme un règlement sur un prisonnier : la certitude que vous serez cela et pas autre chose, que vous aurez été cela et pas autre chose, que ce que vous n’avez pas eu, vous ne l’aurez jamais (Malraux VR, 410-411).

L’aventure est donc tout autre chose que l’affrontement de dangers inédits sur une terre lointaine. Elle a des implications métaphysiques. Elle met à l’épreuve le sens de l’existence.

Malraux a été très tôt fasciné par les écarts infranchissables qui séparent les civilisations. “En profondeur, toute civilisation est impénétrable pour une autre”, dit Claude dans La Voie royale (Malraux VR, 398). S’il a pu être tenté dans les années trente, au temps de ses engagements progressistes, par une explication hégélienne voire marxiste de l’histoire, dont la dialectique permettrait de résoudre ces contradictions, sa vision de l’histoire humaine doit en définitive bien davantage à Spengler, l’auteur du Déclin de l’Occident : il n’y a pas d’Homme universel, avec majuscule. Il y a des hommes au pluriel. Il y a des arts, des civilisations au pluriel, qui ne s’articulent nullement suivant la logique supérieure d’une histoire universelle. Dès lors, seule la métamorphose permet de transgresser les frontières et de transcender les différences. Le désir d’aventure répond à ce besoin de ne pas rester enfermé dans une identité culturelle, sociale, personnelle, et même sexuelle. Dans La Voie royale, ce besoin va jusqu’au rêve érotique d’entrer dans les sensations physiques de l’autre sexe. Perken découvre dans les “cultes érotiques” des peuples les plus sauvages qu’il a découverts une “assimilation de l’homme qui arrive à se confondre, jusqu’aux sensations, avec la femme qu’il prend, à s’imaginer elle sans cesser d’être lui-même” (ibid., 414). L’aventure est cette expérience qui permet de devenir autre, à ses risques et périls.

L’image de la prison de l’identité est commune à Malraux et à Gary. Et la définition que Malraux donne de l’aventurier dans la préface du Démon de l’absolu fait elle aussi penser à Gary :

[…] l’aventurier s’oppose d’abord à l’identité : il ne change pas seulement d’état civil pour gagner une particule, mais souvent aussi pour perdre la sienne. Il semble toujours traqué par ce que les hommes ont fait de lui : “Je ne suis pas mon nom, je ne suis pas mon métier, j’irai agir là où on ne me connaît pas, je rejette tout ce qui vous permettrait de me classer, tout ce qui me contraindrait à croire que je ne suis que cela. » Son ennemi, c’est l’ordre du monde — le réel (Malraux DA, 838).

Bien avant Gary, Malraux a lu les romans de Joseph Conrad. Il découvre avec passion Cœur des ténèbres, dont la traduction commence à paraître dans le même numéro de la N.R.F. qui rend hommage à Conrad en 1924 (Malraux VR 202). Chez Conrad, déjà, l’exotisme apparent sert en profondeur une réflexion sur l’identité et l’altérité, sur l’aventure comme métamorphose de l’être. Il en va de la “condition humaine”, dont le vieux Gisors de Malraux dit dans le roman qui porte ce titre que le désir profond de l’homme est de s’en délivrer : “Échapper à la condition humaine, vous disais-je. Non pas puissant : tout-puissant. […] le rêve de l’homme est de devenir dieu sans perdre sa personnalité” (Malraux CH, 679).

Dans Les Racines du ciel on trouve aussi, par-delà les péripéties de l’action, une aventure supérieure, celle qui consiste en une mise à l’épreuve des limites de la condition humaine. Si l’action de Morel a de tels retentissements, c’est parce qu’il n’est pas considéré comme un simple militant qui se bat pour la protection des éléphants, mais comme un “authentique résistant contre notre misérable condition”, comme dit le père Fargue (Gary RC, 586). C’est “un type qui en a eu assez […], dit le gouverneur. Assez de la condition humaine” (ibid., 583). Morel ne connaît pas de transformation aussi radicale et aussi saisissante que Kurtz chez Conrad ou Grabot chez Malraux, mais il apparaît comme le représentant exemplaire d’un besoin de métamorphose ontologique qui va peut-être plus loin encore. Ce que confirment, dans son entourage immédiat, trois personnages qui ont de la sympathie pour lui. Schölscher, le commandant de méharistes, finira par entrer dans un monastère de la Trappe après avoir retrouvé une foi fervente au contact de l’islam et de la terre d’Afrique : l’aventure spirituelle de la conversion est une belle forme de métamorphose. Saint-Denis, l’administrateur colonial attiré par la pensée magique des peuples autochtones, rêve d’être métamorphosé en arbre après sa mort. Et le père Tassin, ce double romanesque du père Teilhard de Chardin sur lequel s’ouvre et se clôt le roman, mène des recherches sur “l’aventure humaine” (ibid., 609) qui ne sont pas sans rapport avec cette pensée d’une possible “métamorphose du genre humain” dont traite Jean-François Hangouët dans son livre Picaros et pédoncules (Hangouët 2019). L’aventure romanesque ouvre ainsi sur l’aventure de l’humanité, laquelle n’est pas une évolution scientifiquement prévisible mais un devenir ouvert à tous les possibles : c’est le propre d’une aventure. Et le choix de l’Afrique comme décor de l’action s’explique alors d’un point de vue anthropologique : “C’était en Afrique que l’homme était apparu à l’origine, il y avait des millions d’années […] et il était normal que ce fût en Afrique qu’il revînt pour protester le plus rageusement possible contre lui-même” (Gary RC, 492).

À la lumière de ces observations, on comprend mieux le goût de Gary pour tout changement d’identité qui nourrit l’aventure romanesque. Lady L. raconte la métamorphose de la roturière Annette Boudin en une brillante aristocrate anglaise, La Tête coupable la métamorphose apparente du physicien français Marc Mathieu en un “picaro” sans scrupule exilé à Tahiti sous le nom de Gengis Cohn, Les Têtes de Stéphanie les métamorphoses d’un agent de la C.I.A. nommé Rousseau, un Américain à l’ascendance créole, que son teint de métis prédispose à jouer indifféremment des rôles de Sud-Américain, de Juif ou d’Arabe (Gary TS, 115-116)… Et l’on trouvera encore dans Les Cerfs-volants une métamorphose fort réussie, celle de la maquerelle Julie Espinoza en aristocrate hongroise pro-allemande, la comtesse Esterhazy… Il y a là un ressort du roman d’aventures qui n’est pas nouveau. Mais le thème prend une telle importance chez Gary et il correspond à une telle hantise personnelle que sa signification existentielle doit être soulignée, en rapport avec le sens que Malraux donnait déjà, avant Gary, à la métamorphose. Cependant, Gary ne suit plus Malraux quand il s’agit de faire de l’aventure et de la métamorphose les grands enjeux du roman.

4. Quel roman pour l’aventure ?

Malraux publie en 1943 son dernier roman, Les Noyers de l’Altenburg, avant que ne paraisse le premier roman publié de Gary, Éducation européenne. Gary naît comme romancier quand Malraux cesse de l’être. Et le premier a une telle admiration pour les romans du second que cet abandon ne cesse de l’interroger, comme on peut le constater à la lecture de son essai de 1965 Pour Sganarelle. Pourquoi ce “silence de Malraux romancier” (Gary PS, 428) ? Gary rejette l’explication marxisante de Lucien Goldmann, selon laquelle Malraux aurait renoncé au roman parce qu’il aurait rompu avec “certaines valeurs universelles authentiques” — autrement dit les principes marxistes — sur lesquelles se fondait sa production romanesque avant la guerre (ibid., 448).

Pour Gary, Malraux a renoncé au roman “lorsque le besoin de comprendre, de se répondre et de résoudre est devenu chez lui beaucoup plus puissant que le besoin d’affabuler” (ibid., 468). Il “s’est tu par souci d’originalité et d’authenticité d’une pensée non romanesque” (ibid., 469), et cette tendance à l’abstraction conceptuelle était déjà apparente dans Les Noyers de l’Altenburg (ibid.). Par besoin d’authenticité, Malraux ne pouvait plus se contenter du roman : “[…] le silence de Malraux en tant que romancier est précisément dû à la rupture, dans son esprit, avec le roman en tant que valeur en soi” (ibid., 471). Ce type d’explication n’est cependant pas tout à fait satisfaisant. Il s’apparente à une tautologie : Malraux a renoncé au roman parce qu’il ne croyait plus au roman, certes… Mais encore ?

Une explication se trouve peut-être précisément du côté de l’aventure et de la métamorphose, et l’on retrouve ici les analyses de Jean-Claude Larrat. On se rappelle que Malraux, à l’époque où il préparait La Tentation de l’Occident, jugeait plus habituel et plus attendu de rapporter des aventures vécues sous forme de mémoires que sous forme de roman. D’autre part, quand il commente dans Le Démon de l’absolu le grand livre de T. E. Lawrence, Les Sept Piliers de la Sagesse, il regrette que l’auteur ait manqué dans ce livre l’essentiel de sa vie d’aventures parce qu’il se contentait le plus souvent d’écrire un “récit” : le “livre linéaire” (Malraux DA, 1193) serait trop lisse, en somme, pour traduire les ruptures de l’aventure en tant que métamorphose. Lorsqu’il traite du roman, jusque dans son essai L’Homme précaire et la littérature, Malraux est toujours en quête d’un dépassement de la simple ligne narrative dans l’art du roman. On se rappelle ces mots : “Le génie du romancier est dans la part du roman qui ne peut être ramenée au récit” (Malraux HP, 830). Mais aucun roman ne peut complètement échapper à la forme d’un récit. C’est la critique que Julien Gracq adressera à Malraux dans En lisant en écrivant (Gracq 1995, 655). Que le roman transcende le récit, l’idée paraît séduisante… Mais que reste-t-il du roman sans dimension narrative ? De fait, les réserves de Malraux envers le récit finiront par emporter le roman…

Le rêve d’aventuriers comme Perken ou Mayrena était de vivre une expérience de transformation qui échappe à la mise en récit. Si l’aventure est métamorphose, en effet, elle n’est pas racontable. Sartre ne pouvait penser qu’à une fausse idée de l’aventure quand il faisait dire à Roquentin, dans La Nausée, que l’événement devient une aventure à condition “qu’on se mette à le raconter” (Sartre 1938, 64). L’aventure, c’est au contraire pour Malraux ce qui ne peut se raconter. Elle échappe à l’ordre narratif d’une biographie. Et elle échappe à ce récit qu’est aussi l’histoire. L’aventure, par sa nature rebelle de mutation radicale, ne se laisse domestiquer ni par l’ordre d’une histoire (au sens narratif) ni par la raison de l’histoire (au sens proprement historique). C’est ainsi que Jean-Claude Larrat tire les conséquences de cette scission entre l’aventure de la métamorphose et les lois de la narration romanesque : “[…] Malraux n’a cessé de dénoncer comme une vaine apparence l’identité biographique, construite par le récit d’une vie. Devenir soi-même par métamorphose, c’est refuser de se soumettre au cours du temps […]” (Larrat 2016, 21). Ou encore : “L’aventure […], lorsqu’elle devient appel à une métamorphose, ne peut plus être romanesque […]. Après sa ‘tentation spenglerienne’ des années 1940, Malraux ne pouvait plus être romancier” (ibid., 35).

Avec Les Voix du silence, avec tous ses écrits sur l’art, Malraux peut poursuivre sa réflexion sur l’aventure humaine et sur la métamorphose des civilisations sans le détour de la fiction narrative. Et il ne s’y consacre pas en historien de l’art, puisque la vérité de l’art, cet “antidestin”, échappe selon lui aux lois de l’histoire : “[…] le temps de l’art n’est pas la durée de l’histoire”, comme il l’écrit dans Les Voix du silence (Malraux VS, 879). Claude Vannec annonçait d’ailleurs cette thèse dans La Voie royale quand il disait : “On dirait qu’en art le temps n’existe pas” (Malraux VR, 398). Et quand Malraux cherchera à présenter sa propre vie d’aventures sous forme de mémoires, il s’agira d’anti-mémoires, qui déjouent les règles habituelles du récit par leur désordre chronologique et leur discontinuité.

Pour Malraux, en somme, l’aventure est d’abord d’ordre esthétique. Il appréciait dans sa jeunesse “la puissance poétique de l’aventure” : il n’y engageait pas son identité même. Après la guerre, il se détache de l’aventure existentielle, cet “appartement abandonné” (Malraux AN, 315)… Il y a bien pour lui une aventure humaine, une aventure des civilisations — mais ce n’est pas (ou ce n’est plus…) à la fiction romanesque de s’y confronter.

Il en va tout autrement chez Gary, pour qui l’aventure met bel et bien en jeu sa propre identité. Et c’est le roman qui doit être pour lui, jusqu’au bout, le lieu et le moyen de l’aventure en tant que métamorphose. C’est par le roman que le “je” peut devenir autre, vivre d’autres vies, se libérer de sa prison existentielle. Dans Pour Sganarelle, le personnage de roman imaginé par l’auteur est un picaro aux identités multiples (Gary PS, 162). Il incarne une “aventure picaresque” qui ne connaît ni loi ni fin. Alors que le “roman totalitaire” auquel s’oppose Gary (roman kafkaïen, roman existentialiste, Nouveau Roman…) ne peut que trahir les multiples dimensions de “l’aventure humaine” en les ramenant à une seule vérité, le “roman total” tel que l’entend l’auteur (et dont il reconnaît des modèles chez Balzac, Tolstoï… et Malraux), roman qui ne s’arrête sur aucune vérité, épouse toutes les péripéties de “notre aventure picaresque” (ibid., 27-28). On comprend donc que l’aventure ainsi conçue ne se limite pas au contenu d’un roman particulier. Elle met en relation l’élan d’une création romanesque sans limites à une certaine conception de l’aventure humaine où la liberté de vivre l’emporte sur l’essence d’une “condition” prédéfinie.

Pour Gary, l’invention romanesque est le plus sûr moyen de vivre des métamorphoses qui le font sortir des limites étroites de son “je”. “Lorsque je reste dans ma peau trop longtemps, je me sens à l’étroit, frappé de moi-même et claustrophobique”, dit Gary dans La nuit sera calme (Gary NC, 279). La “poursuite du Roman” est celle “d’une vie multiple” : elle permet de changer de peau (ibid.), de se mettre “dans la peau des autres” (ibid., 275). L’aventure implique donc moins les personnages inventés que le romancier lui-même : “Lorsque j’entreprends un roman, c’est pour courir là où je ne suis pas, pour aller voir ce qui se passe chez les autres, pour me quitter, pour me réincarner” (ibid., 226). Certes, il arrive que la fiction fasse écho à l’expérience de l’auteur, par exemple quand Gary, métamorphosé en Émile Ajar, raconte une histoire de python, comme dans Gros-Câlin. Car le python n’aime rien tant que de muer, ce qui procure une grande joie à son propriétaire, ce narrateur qui semble parfois lui-même se métamorphoser en python : “La métamorphose est la plus belle chose qui me soit jamais arrivée”, dit-il ainsi à propos de la mue de son python (Gary GC, 655). Mais qui parle alors ? Quand le python semble s’exprimer par la voix du narrateur, c’est aussi Gary-Ajar bien sûr, cet auteur en pleine mue, qui s’exprime ainsi — sauf que le lecteur ne s’en doute pas encore…

Le comble de l’aventure et de la métamorphose, pour Gary, ce sera donc “l’aventure Ajar”, ainsi qu’il qualifie cet extraordinaire roman vécu dans son texte posthume Vie et mort d’Émile Ajar (Gary VM, 1430). Avec l’invention d’Émile Ajar, ouverture totale sur l’inconnu et sur l’imprévisible puisqu’il ne savait pas du tout à l’origine ce qu’elle allait faire advenir, notre “vieux coureur d’aventures” (ibid., 1435), porté par son insatiable pulsion “protéenne” (ibid.), est allé jusqu’au bout de l’aventure qui consiste à écrire des romans pour échapper à la prison de l’identité et pour entrer dans la peau des autres — pour se métamorphoser. Ce qui devait le conduire pour finir à se faire piéger dans cette nouvelle peau, devenue à son tour une prison.

La représentation de l’aventure chez Malraux et Gary fait donc apparaître de nettes convergences, ce qui n’est pas surprenant si l’on considère d’une part leurs références communes, d’autre part l’admiration de Gary pour son aîné et la relation qui va rapprocher les deux hommes. Chez l’un comme chez l’autre, l’aventure n’est pas seulement définie par les péripéties de l’action ou l’exotisme du décor : elle a quelque chose à voir avec le refus du Réel, avec le besoin de dépasser la condition humaine telle qu’elle est. L’aventure individuelle, allant jusqu’au désir de métamorphose, donne une image du destin de l’humanité pensé lui-même comme aventure, donc comme “antidestin”.

Mais Malraux aura été bien moins que Gary un romancier de l’aventure et de la métamorphose, d’abord parce qu’il contient la part d’aventure dans ses romans à l’époque où ses engagements le détournent des risques d’aventurisme prêtés à une célébration politique de l’aventure, ensuite parce qu’il estime la forme narrative du roman incompatible avec les ruptures indicibles d’une métamorphose radicale. Gary au contraire ne sépare jamais l’aventure du roman où elle se donne libre cours, au point de substituer au roman d’aventure l’aventure de l’invention romanesque : l’aventure et la métamorphose sortent alors de la sphère romanesque pour saisir le romancier lui-même. La vie et l’œuvre se rejoignent : Gary mène la “vie d’aventures” dont rêvait le jeune Kacew, mais en tant que romancier, dans et par l’écriture.

Ces différences expliquent peut-être que la réception de Gary connaisse aujourd’hui un certain essor quand l’intérêt pour l’œuvre de Malraux est en déclin. D’après leurs actes de naissance, une douzaine d’années le sépare. Mais, comme romancier, Malraux est un auteur d’avant-guerre. Gary en revanche a connu une période d’intense production romanesque dans les quinze dernières années de sa vie : c’est un romancier des années soixante-dix. Et la découverte de l’identité entre Gary et Ajar, en 1981, a relancé après sa mort l’intérêt pour une œuvre dont le lectorat s’est élargi au moment même où la fin des avant-gardes et l’effacement de la Nouvelle Critique, que l’histoire littéraire situent précisément vers 1980, permettaient d’accéder sans aucune mauvaise conscience à des romans où l’Auteur, le Récit et l’Aventure n’étaient plus considérés comme des notions périmées. En renaissant sous les traits d’Émile Ajar, Gary a de ce point de vue réussi son opération de rajeunissement. Et pourtant, n’a-t-il pas achevé ainsi son parcours par un mariage de l’aventure et du “farfelu” qui rappelait les débuts du jeune Malraux ? Les deux auteurs sont décidément liés par un même anti-destin.

Littérature

1. Œuvres de Romain Gary et d’André Malraux

Gary, Romain. 1965. Pour Sganarelle. Paris: Gallimard, rééd. “Folio” (2003).

Abréviation : PS.

Gary, Romain. 1971. Les Trésors de la mer Rouge. Paris: Gallimard.

Abréviation : TM.

Gary, Romain. 1974. La nuit sera calme. Paris: Gallimard, rééd. “Folio” (1976).

Abréviation : NC.

Gary, Romain. 1974. Les Têtes de Stéphanie. Paris: Gallimard, rééd. “Folio” (2013).

Abréviation : TS.

Gary, Romain. 2019. Romans et récits (I et II). Paris: Gallimard, “Bibliothèque de la Pléiade”.

Abréviations :

- Les Racines du ciel (t. I) : RC.

- La Promesse de l’aube (t. I) : PA.

- Gros-Câlin (t. II) : GC.

- Vie et mort d’Émile Ajar (t. II) : VM.

Malraux, André. 1989. Œuvres complètes (I). Paris: Gallimard, “Bibliothèque de la Pléiade”.

Abréviations :

- La Tentation de l’Occident : TO.

- Les Conquérants : CO.

- La Voie royale : VR.

- La Condition humaine : CH.

Malraux, André. 1996. Œuvres complètes (II et III). Paris: Gallimard, “Bibliothèque de la Pléiade”.

Abréviations :

- Le Démon de l’absolu (t. II) : DA.

- Antimémoires (t. III) : AN.

Malraux, André. 2004. Écrits sur l’art (I). Œuvres complètes (IV). Paris: Galimard, “Bibliothèque de la Pléiade”.

Abréviation :

- Les Voix du silence : VS.

Malraux, André. 2010. Œuvres complètes (VI). Paris: Gallimard, “Bibliothèque de la Pléiade”.

Abréviation :

- L’Homme précaire et la littérature : HP.

2. Autres références

Gide, André. 1958. Romans. Récits et soties. Œuvres lyriques. Paris: Gallimard, “Bibliothèque de la Pléiade”.

Gide, André. 1999. Essais critiques. Paris: Gallimard, “Bibliothèque de la Pléiade”.

Gracq, Julien. 1989. Œuvres complètes (I). Paris: Gallimard, “Bibliothèque de la Pléiade”.

Gracq, Julien. 1995. Œuvres complètes (II). Paris: Gallimard, “Bibliothèque de la Pléiade”.

Hangouët, Jean-François. 2007. Romain Gary. À la traversée des frontières. Paris: Gallimard, “Découvertes”.

Hangouët, Jean-François. 2019. Picaros et pédoncules. Romain Gary et l’en-avant de l’humanité selon Pierre Teilhard de Chardin. Genève: Droz.

Jankélévitch, Vladimir. 1998. Philosophie morale. Paris: Flammarion, “Mille & Une Pages”.

Larrat, Jean-Claude. 2001. André Malraux. Paris: Librairie Générale Française, “Le Livre de poche”.

Larrat, Jean-Claude. 2016. Sans oublier Malraux. Paris: Classiques Garnier.

Mac Orlan, Pierre. 1951. La Clique du Café Brebis suivi de Petit Manuel du parfait Aventurier. Paris: Gallimard.

Ricardou, Jean. 1967. Problèmes du nouveau roman. Paris: Seuil.

Rivière, Jacques. 2000. Le Roman d’aventure. Paris: Éditions des Syrtes.

Roumette, Julien. 2018. Romain Gary ou le deuil de la France Libre. D’“Éducation européenne” à “La Promesse de l’aube”. Paris: Honoré Champion.

Sartre, Jean-Paul. 1938. La Nausée. Paris: Gallimard, rééd. “Folio” (1972).

Valéry, Paul. 1945. Regards sur le monde actuel et autres essais. Paris: Gallimard, rééd. coll. “Idées” (1972).

Venayre, Sylvain. 2002. La Gloire de l’aventure. Genèse d’une mystique moderne (1850-1940). Paris: Aubier.